Le cancer reste l’une des maladies les plus dévastatrices et complexes de notre époque, touchant des millions de personnes à travers le monde. Malgré les avancées dans les traitements conventionnels tels que la chimiothérapie et la radiothérapie, il existe un besoin constant de nouvelles options thérapeutiques plus efficaces et mieux tolérées. C’est là que le cannabidiol (CBD), un composé naturel dérivé de la plante de chanvre, suscite de plus en plus d’intérêt dans le domaine de la recherche sur le cancer.
Dans cet article, nous explorerons le lien entre le CBD et le cancer, examinant les résultats préliminaires des différentes études.
Comment les cancers affectent le corps ?
Le cancer se forme à la suite d’une série complexe de changements génétiques et cellulaires qui se produisent dans le corps. Voici une explication générale de la formation du cancer :
- Mutation génétique : Le cancer commence par une mutation génétique dans l’ADN d’une cellule normale. Les mutations peuvent être causées par des facteurs externes tels que l’exposition aux agents cancérigènes (comme le tabac, les radiations, certaines substances chimiques) ou par des mutations génétiques héritées.
- Croissance cellulaire anormale : La mutation génétique altère le fonctionnement normal de la cellule, en particulier les mécanismes qui régulent la division cellulaire et la mort cellulaire programmée (apoptose). En conséquence, la cellule mutée commence à se diviser de manière incontrôlée, formant une masse de cellules anormales appelée tumeur.
- Tumeur bénigne et maligne : Une tumeur maligne, ou cancer, est caractérisée par des cellules anormales qui ont la capacité d’envahir les tissus environnants et de se propager à d’autres parties du corps par le biais du système lymphatique ou sanguin. Ce processus de propagation du cancer s’appelle la métastase. Une tumeur bénigne est limitée à un endroit spécifique du corps et ne se propage généralement pas à d’autres tissus ou organes. Les cellules d’une tumeur bénigne ressemblent aux cellules normales et ne sont généralement pas considérées comme cancérigènes. Cependant, certaines tumeurs bénignes peuvent devenir malignes.
- Angiogenèse : Les tumeurs malignes ont la capacité de stimuler la formation de nouveaux vaisseaux sanguins pour se fournir en nutriments et en oxygène. Ce processus, appelé angiogenèse, permet à la tumeur de continuer à croître et à se propager.
Il est important de souligner que chaque type de cancer peut avoir des caractéristiques et des mécanismes de formation spécifiques. La recherche sur le cancer se concentre sur la compréhension des mécanismes sous-jacents à la formation des différents types de cancer afin de développer des traitements plus efficaces pour la prévention, le diagnostic précoce et le traitement du cancer.
Pourquoi le CBD est étudié sur différentes formes de cancers ?
Le cannabidiol (CBD) est l’un des principaux constituants de la plante de chanvre Cannabis Sativa L.. Il est largement représenté parmi les 120 cannabinoïdes à ce jour identifiés dans la plante de chanvre.
Des sondages suggèrent que le cannabis thérapeutique est populaire parmi les personnes diagnostiquées avec un cancer. Une enquête menée auprès de 926 patients du Fred Hutchinson Cancer Research Center (Seattle) a ainsi révélé que 66% des répondants avaient déjà consommé du cannabis. Environ 75% des participants consommaient du cannabis pour des symptômes physiques (douleur, nausée, appétit), 63% pour des symptômes neuropsychiatriques (stress, faire face à la maladie, dépression / amélioration de l’humeur, sommeil). Fait encourageant, quel que soit le symptôme, environ 51% ont jugé le cannabis comme un « bénéfice majeur » et 39% comme un « bénéfice modéré ».
La recherche indique que le CBD pourrait avoir un potentiel pour le traitement du cancer, y compris les symptômes et les signes associés au cancer et à son traitement. La recherche préclinique suggère que le CBD pourrait traiter de nombreuses voies impliquées dans la pathogenèse des cancers.
La recherche préclinique et clinique avance des preuves d’efficacité, seule ou dans certains cas en association avec le tétrahydrocannabinol (THC, un autre cannabinoïde présent dans le chanvre), dans le traitement de la douleur, de l’anxiété et de la dépression associées au cancer, des problèmes de sommeil, des nausées et des vomissements, et mucite buccale associée au cancer et/ou à son traitement.
Des études suggèrent également que le CBD pourrait améliorer les traitements conventionnels avec des agents chimiothérapeutiques et la radiothérapie, et protéger contre les dommages neuraux et organiques.
Le CBD semble donc prometteur dans le cadre d’une approche intégrative de la gestion du cancer.
Quels sont les potentiels mécanismes d’action anticancéreux du CBD ?
D’après les nombreuses études précliniques et cliniques réalisées, le CBD aurait des effets bénéfiques sur différents types de cancer.
Le CBD aurait la capacité de ralentir la croissance des cellules cancéreuses et de favoriser leur mort. Les effets du CBD sur les cellules saines du même tissu sont généralement moins prononcés.
Il agirait de différentes manières contre les tumeurs selon le type de cancer. Il pourrait arrêter le cycle de croissance des cellules, favoriser leur autophagie (un processus d’auto-élimination des cellules défectueuses) ou induire leur mort. De plus, le CBD pourrait également réduire la migration des cellules tumorales, leur invasion et la formation de nouveaux vaisseaux sanguins autour de la tumeur.
Il est intéressant de noter que le CBD agirait non seulement sur les cellules tumorales, mais pourrait également influencer l’environnement dans lequel la tumeur se développe. Il pourrait moduler les cellules mésenchymateuses infiltrantes et les cellules immunitaires présentes autour de la tumeur.
Le CBD semble perturber l’équilibre oxydatif des cellules et induire un stress oxydatif et un stress du réticulum endoplasmique (un organite cellulaire) importants. Ces stress pourraient alors provoquer l’arrêt du cycle cellulaire, l’autophagie et la mort des cellules cancéreuses.
Pour les futures recherches, il est crucial de mieux comprendre comment le CBD perturbe l’équilibre des différentes voies de signalisation cellulaire, notamment celles liées au stress oxydatif, au stress du réticulum endoplasmique et à l’inflammation. Cela permettrait de mieux comprendre comment le CBD peut perturber l’équilibre des cellules cancéreuses et des cellules environnantes, conduisant à la mort des cellules cancéreuses, à l’inhibition de la migration tumorale, de l’invasion, des métastases et de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins.
Comment le CBD est-il utilisé dans le cadre thérapeutique ?
Le CBD dans les études cliniques est utilisé sous différentes formes :
- Huile CBD contenant des extraits de chanvre riches en CBD. Ces huiles contiennent également d’autres cannabinoïdes comme du THC, THCA, CBDA, CBN, dans des proportions variables. L’Huile CBD s’utilise par voie orale et sublinguale. L’Huile CBD peut être sous forme de capsule à avaler ou de flacon avec pipette compte-gouttes à déposer sous la langue.
- Fleurs de chanvre à inhaler par vaporisation. Ces fleurs contiennent du THC et du CBD dans des proportions variables.
Dans des dosages inférieurs à 15–160 mg / jour par voie orale / sublinguale et 0,15 mg / kg par inhalation, le CBD s’est avéré sûr sans induire de modifications de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, des tests neurologiques ou des tests sanguins. Dans des dosages plus conséquents, des effets secondaires indésirables légers à modérés comme des sensations de vertiges et des nausées peuvent être observés.
Ainsi, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) indique que le CBD ne provoque pas d’accoutumance ou de dépendance, est sûr et bien toléré.
Il convient de noter que le CBD peut interagir avec certaines substances présentes dans les médicaments anticancéreux. Par exemple, le mitotane et l’enzalutamide peuvent diminuer de 30% à 60% les concentrations plasmatiques du cannabidiol avec pour conséquence l’absence d’apparition ou disparition de l’effet recherché avec l’utilisation du CBD. A l’inverse, le létrozole (cancer du sein), l’abiratérone et le darolutamide (cancer de la prostate) présentent un risque faible d’interaction avec le CBD, dans le sens d’une augmentation de leur concentration, impliquant une surveillance des effets indésirables. Il est donc particulièrement recommandé de demander l’avis d’un professionnel de santé avant de consommer un produit au CBD.
La France mène en ce moment et jusqu’en mars 2024, une expérimentation sur le cannabis thérapeutique auprès de milliers de patients dont certains sont concernés par des symptômes rebelles en oncologie liés au cancer ou aux médicaments anticancéreux. Les résultats de cette expérimentation permettront de définir le cadre de prise en charge des patients traités avec du cannabis thérapeutique.
Sources :
Steven A. Pergam, Maresa C. Woodfield, Christine M. Lee, Guang-Shing Cheng, Kelsey K. Baker, Sara R. Marquis, Jesse R. Fann. Cannabis use among patients at a comprehensive cancer center in a state with legalized medicinal and recreational use. Cancer. Volume123, Issue22. November 15, 2017. Pages 4488-4497.
O’Brien K. Cannabidiol (CBD) in Cancer Management. Cancers (Basel). 2022 Feb 10;14(4):885.
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